Master 2 Gestion des Territoires et Développement Local
Parcours: Développement Rural
Coopérative de femmes de To Ρόδι, Volos, le 10 février 2017
La coopérative fut créée en 2007 au Nord-Est de Vólos, elle comptait neuf femmes lors de sa création. C’est une initiative justifiée par une logique simple : la coopérative permet aux femmes de la région de trouver un travail tout en contribuant à augmenter les revenus de leurs foyers respectifs.
C’est dans le champ culinaire que cette coopérative va s’affirmer, en cherchant à valoriser, non seulement les fruits et produits locaux, mais aussi les savoir-faire hérités des aïeux. Les productions sont donc multiples, et on compte parmi celles-ci des gâteaux sucrés (appelés localement des « gâteaux à la cuillère »), des marmelades et confitures ainsi que des gâteaux traditionnels (baklava). La base d’une majorité des produits est la grenade. La région du Mont de Pélion, et plus spécifiquement le secteur situé à l’Ouest de la montagne étant très réputé pour sa production de « Ρόδι» (grenade). Tout comme la coopérative de Portaria, située à quelques kilomètres de là, To Ρόδι s’appuie donc sur des produits locaux et sur un savoir-faire ancien, arguments appuyant la rhétorique commerciale développée par ces neuf femmes[1].
Cette coopérative est donc récente, et bien que sa logique commerciale s’inscrive dans une lignée développée il y’a quelques décennies, les revenus de l’organisation ont été assez faible ces deux dernières années, ne permettant pas aux femmes de dégager un salaire, mais permettant tout de même d’assurer les frais de fonctionnement généraux. Cette situation va expliquer la situation de bénévolat dans laquelle vont se retrouver les femmes. A la différence de la coopérative de Portaria, les femmes de To Ρόδι cumulent ainsi un emploi à côté de leur activité bénévole. Ces femmes, d’un âge oscillant entre 35 et 40 ans, cherche à intégrer les générations les plus jeunes dans le processus productif et dans l’initiative, avec un succès mitigé, l’activité bénévole ne constituant pas un argument attractif pour cette population durement frappée par la crise.
Mais l’espoir de développement n’est pas amoindri par la situation économique générale. La clientèle, majoritairement régionale permet d’entretenir l’initiative, qui s’appuie sur la qualité de ses produits et la spécificité de ses choix (avec la mise en avant de la grenade, spécialité locale) pour élargir son champ économique. Qualité, tradition et gourmandise apparaissent être les maîtres-mots de cette dynamique économique. C’est par ailleurs un outil défendant les principes de l’émancipation féminine[2], tout en cherchant à contribuer à la revitalisation économique d’un territoire souhaitant affirmer l’aura de sa culture culinaire.
[1] Stavriani Koutsou, « Les coopératives féminines rurales grecques en période de crise », dans L’agriculture familiale à travers le prisme du genre, 2014, pp. 173-181
[2] Stavriani Koutsou et Frosso Xaritou, « Les coopératives agrotouristiques féminines en grèce : contribution au développement local et à l’émancipation des femmes rurales », 2012, Disponible : https://www.canal-u.tv/video/universite_toulouse_ii_le_mirail/les_cooperatives_agrotouristiques_feminines_en_grece_contribution_au_developpement_local_et_a_l_emancipation_des_femmes_rurales_stavriani_koutsou_frosso_xaritou.11393
Coopérative de femmes de Portaria, Mont Pélion, préfecture de Magnésie, le 10 février 2017
La coopérative de femmes du village Portaria, sur les hauteurs du Mont Pélion, fut créée en 1997. A sa création, on y compte 35 femmes, elles sont 37 aujourd’hui. La coopérative consiste en deux laboratoires (l’un situé dans la commune de Portaria, le second en périphérie immédiate de celle-ci), l’un fabriquant confitures et marmelades, le second produisant des pâtes. Les produits sont confectionnés à la main, sans recours à aucune machine ou additifs. Les femmes justifient ce choix par une volonté de remettre au goût du jour les méthodes traditionnelles de production, avec l’idée d’empêcher la disparition des « recettes de grand-mère »[1]. Depuis vingt ans, la coopérative s’est forgé une certaine réputation, ses produits étant réputés pour leurs qualités, et les femmes étant reconnu pour leur savoir-faire.
Mais ce savoir-faire a un coût, et si les femmes parviennent à dégager un salaire, complément de revenu important pour le ménage, c’est en travaillant tous les jours et en assurant elles-mêmes la commercialisation de leurs produits. La coopérative dispose ainsi d’un magasin dans un local donné par la mairie de Portaria, qui est aussi le bailleur des deux locaux où se trouve les laboratoires de production. C’est donc avec le soutien de la population et des institutions locales que la coopérative s’est développée. Elle exporte aujourd’hui ses produits dans toutes la Grèce, et après un essai d’exportation en Australie, c’est le marché européen qui est défini comme nouvel objectif. Pour cela, les femmes espèrent disposer d’une appellation d’origine contrôlée, garantie de la qualité de leurs produits et élément de marketing important. Ce sont principalement les pays disposant d’une diaspora grecque importante qui sont visés, les liens étroits avec cette diaspora pouvant contribuer à la constitution de solides circuits internationaux de vente[2].
Mais revenons plus en avant, sur les raisons mêmes de la création de cette coopérative. En effet, ces raisons sont multiples, économiques pour la plupart, mais aussi sociales. Car si les coopératives se sont constituées comme moyen pour développer les revenus des foyers et dynamiser la vie économique locale face à la déprise touristique qu’a subi le Pélion ces dernières décennies, c’est aussi en outil d’émancipation des femmes que se sont constituées ces organisations[3]. Car en valorisant les produits du terroir, et en redéveloppant les produits régionaux, les femmes ont pu se constituer une activité économique à part entière, en dehors du foyer. Cela va expliquer le développement croissant des coopératives de femme dans la préfecture de Magnésie, qui compte aujourd’hui plus d’une dizaine de coopératives de femmes.
C’est donc une activité économique qui s’est développée pour faire face à la chute du tourisme d’origine grecque dans le Pélion, celui-ci étant majoritaire, mais ayant aussi été le plus frappé par la crise de ces dernières années. C’est aussi pour lutter contre la contraction de l’espace-temps que les coopératives se sont développées. Le village-étape que fut Portaria sur le chemin de la côte est du Pélion constitue désormais un souvenir, une page glorieuse, mais passée, de l’histoire locale. Le tourisme subsiste néanmoins, mais au gré de la météo hivernale, le Mont Pélion constituant un espace de récréation brumal réputé.
De tous ces constats, nous retenons que la déprise économique et la désuétude touristique ont constitué le terreau à une émancipation professionnelle de la gente féminine, cette dernière ayant pu s’inscrire dans une activité économique originale, valorisant aussi bien le territoire (en employant des fruits et produits locaux) que les savoir-faire ancestraux. La question de la succession se pose néanmoins, les revenus dégagés par les salariés de la coopérative n’apparaissent pas comme suffisant aux yeux des générations les plus jeunes qui sont aussi les plus frappées par la crise. La question de la succession reste donc en suspens, et la communication intergénérationnelle apparaît être une question charnière pour assurer la permanence de l’organisme.
[1] Stavriani Koutsou, « Les coopératives féminines rurales grecques en période de crise », dans L’agriculture familiale à travers le prisme du genre, 2014, pp. 173-181
[2] Réseau Aster International « Grèce : Femme active en milieu rural », 1999, Disponible : http://www.aster-international.org/2007/05/06/femme-active-en-milieu-rural/
[3] Stavriani Koutsou et Frosso Xaritou, « Les coopératives agrotouristiques féminines en grèce : contribution au développement local et à l’émancipation des femmes rurales », 2012, Disponible : https://www.canal-u.tv/video/universite_toulouse_ii_le_mirail/les_cooperatives_agrotouristiques_feminines_en_grece_contribution_au_developpement_local_et_a_l_emancipation_des_femmes_rurales_stavriani_koutsou_frosso_xaritou.11393
Coopérative de femmes de Mouzaki, le 13 février 2017
Vassiliki Filou, archéologue et chercheuse, et Séleki Frillo nous accueillent au sein de la petite boutique de la coopérative de femmes de Mouzaki (prénommée Allopi, du nom d’une reine locale), et nous racontent l’histoire de cette dernière, son fonctionnement, les enjeux qu’elle soulève.
Créée en 2004 à l’initiative de femmes du village, la coopérative avait notamment pour objectif la fabrication de produits traditionnels afin de sauvegarder les traditions et les goûts locaux. Sans soutien financier ou subventions, elles se lancent dans la production de fruits aux sirops et de pâtes, en suivant les recettes ancestrales qu’elles ont entreprit de retrouver, grâce à de la matière première locale. Elles récoltent également de l’origan et du thé de la montagne, qu’elles font sécher. Elles se débrouillent, récupérant par exemple un bâtiment familial pour installer leur unité de production. Pour pouvoir vendre leurs produits, les femmes investissent pour la construction d’un kiosque, installé, bien visible, en bord de route, sur un espace que la municipalité leur met à disposition gracieusement. L’agence de développement locale, qui a vu les autres coopératives fermer leurs portes, apporte également son soutien à cette initiative, en organisant par exemple une levée de fonds.
A ses débuts, la petite coopérative comptait 14 personnes, aujourd’hui elles ne sont plus que 7 femmes. Elle ne compte pas de jeunes femmes, ces dernières semblent assez peu attirées par la démarche et ne souhaitent pas participer.
La coopérative a connu des difficultés financières, et n’a notamment pas pu obtenir les subventions qui leur aurait permis de pouvoir maintenir une activité plus importante. Il faut également reconnaître que les débouchées locales restent assez limitées, notamment sur les produits alimentaires, car la coopérative ne fournit quasiment que des éléments que les familles de Mouzaki produisent déjà elles-mêmes (farine, confitures…). La nécessité de diversification de l’activité s’est donc imposée, et la coopérative propose désormais d’autres produits : vêtements faits main, icônes traditionnelles… Les clients sont les habitants du secteur, mais également, pour beaucoup, les personnes de passage et les touristes (la ville se trouve sur la route des Météores).
Mais les effets de la crise grecque se font ressentir jusqu’ici, et la demande s’est fortement réduite. De plus, la diversification coûte cher, puisque chaque nouveau produit doit obtenir une certification pour laquelle il faut bien entendu investir. En effet la licence délivrée par le service de commerce local reste limitée à de petites quantités : pour pouvoir produire davantage, il faut obtenir une certification qui coûte cher.
Cependant, un élément positif soulage un peu la problématique financière : l’Etat a décidé d’alléger les conditions de maintien des coopératives, en supprimant la taxe spécifique à ces dernières.
Il est difficile pour elles de nous fournir un chiffre d’affaire, d’autant plus que l’entreprise n’est pas à but lucratif, il s’agit simplement de parvenir à couvrir les dépenses de fonctionnement.
Car l’intérêt de cette coopérative est principalement social. Il s’agit de faire sortir les femmes de la maison, de leur permettre de se doter d’un lieu où elles peuvent se rassembler entres elles, se retrouver en dehors de leur foyer, et acquérir une petite indépendance financière. En effet les femmes ont généralement peu de revenus par ici : elles travaillent principalement au sein des petites entreprises et exploitations agricoles ou bien au sein de la zone commerciale, mais, à moins de travailler comme fonctionnaire, les niveaux de rémunérations restent globalement faibles.
Vassiliki souligne également l’importance de la diaspora dans la dynamique locale, puisque chaque été la population des villages alentours double ou triple. Une réalité qui donne des idées à la coopérative : pourquoi ne pas compter sur cet important réseau pour développer la mise en place d’une vente de produits locaux qui s’exporterait via la diaspora ?
En tout cas, la coopérative ne manque pas d’envie ni d’idées pour se maintenir. Elle possède déjà un site internet et envisage ainsi de développer la vente de produits en ligne. Via le travail de l’agence de développement locale, les femmes suivent également des séminaires, apprennent de nouveaux processus de production pour pouvoir diversifier leur offre, apprennent à commercialiser leur produit pour pouvoir toucher au-delà de l’échelle locale. La coopérative communique également autour de ses activités, via le site internet, via la presse et la radio locale… Malgré le manque d’intérêt de la jeunesse locale pour leurs activités, l’énergie et la volonté semblent bien là, l’avenir est donc entre leurs mains.